Paul Biya partira-t-il du pouvoir ou y mourra-t-il ? On le voit difficilement en partir à la Senghor ou Ahidjo, parce que le pouvoir c’est sa vie. Mais aussi parce qu’il ne sait pas comment après un départ éventuel, il pourrait encore regarder les Camerounais dans les yeux après l’enfer qu’il leur a fait vivre pendant trois décennies. S’il a le choix – et rien ne prouve le contraire – il préférera y mourir. Peut-il être privé de ce choix ?
Rien n’est moins sûr, puisque l’opposition est muselée, le peuple hypnotisée, et l’armée corrompue et hostile au peuple qu’elle devrait défendre et protégée. M. Biya est-il serein pour autant ? Loin s’en faut !
D’abord, il faut croire qu’il n’est pas amnésique, et qu’il se souvient des homologues qui ont rêvé comme lui du pouvoir à vie contre le cours normal des choses, et qui, vivants ou morts, se sont abîmés finalement dans la désillusion : Bourguiba, Mobutu, Ben Ali, Compaoré (Blaise), Mugabé, Boutflika, et Béchir Ben Ali.
Si Paul Biya se souvient de ces dieux tombés dont certains furent ses bons conseillers, il n’a pas le temps de se demander à qui le prochain tour. Car il semble effrayé par un après Biya qui ne sera pas enchanteur pour ses créatures (hommes et système), tant il l’aura ensemencé de bombes sociales en guise d’héritage.
C’est pourquoi, à l’heure où les patriarches songent à « faire venir leurs enfants pour leur parler sans témoin », aux fins de préparer leur tranquille départ et de passer le témoin, M. Biya en est encore à s’entourer de chiens enragés, pour empêcher que personne ne s’approche de son pouvoir. Ce serait pourtant une erreur de penser que notre Président bien-aimé prend le « pouvoir à vie » et la « vie éternelle » pour des synonymes. Car s’il faut en croire les rumeurs dignes des réseaux sociaux, il serait en train de se chercher un successeur capable de sauver les meubles de son régime, pour lui rétrocéder « de gré à gré » un pouvoir prétendument acquis par les urnes le 7 octobre dernier. Soit c’est vrai, soit c’est ce que lui suggérerait la France « notre mère qui nous nourrit avec ses pommes de terre et ses macaronis » (comme nous l’apprenions à l’école primaire).
La France qui avait proposé à Ahidjo une réforme constitutionnelle pour faire du Premier ministre son successeur constitutionnel (lequel premier ministre s’appelait Paul Biya), voudrait plutôt cette fois, semble-t-il, que M. Biya trouve une astuce pour passer le pouvoir à son fils Frank. En attendant que les choses se dessinent pour lui, Paul Biya ne concentre plus toute son énergie qu’à la gestion d’un adversaire qu’il dit avoir battu dans les urnes, mais qui continue à lui sembler autant dangereux en prison qu’en liberté : Maurice Kamto.
Sans doute est-ce sa manière à lui de rester dans l’Histoire comme celui qui a apporté la démocratie au peuple camerounais.
Source: Jean Baptiste Sipa