Le message à la nation de Paul Biya du 10 septembre dernier est une autre roublardise de proportion historique de la France, qu’il met tout simplement en branle.
On ne peut s’empêcher, d’entrée de jeu, de constater et regretter la grande crédulité quasiment enfantine de certaines parties prenantes de la scène politique et de la société civile du Cameroun qui, appréciant le récent message de Paul Biya à la nation au premier degré, jubilent précocement. Ils allèguent avec enthousiasme, que le dialogue inclusif tant attendu, tant imploré et tant réclamé par tous, pour juguler les troubles sociopolitiques et sécuritaires en cours dans notre pays vient d’être convoqué par ce message pourtant trompeur de Paul Biya.
Or, à bien y regarder, il n’en est rien, car le dialogue convoqué dans ce message du représentant de la France au Cameroun est tout sauf inclusif. Les Camerounais se doivent de ne rien attendre d’un tel dialogue programmé pour nécessairement échouer. Les dés dudit dialogue sont clairement pipés.
En réalité, le simple fait qu’une seule des parties en conflit organise de bout en bout, toute seule, le dialogue de fin d’une crise sans la participation des autres protagonistes du conflit dans sa préparation, ni dans le choix du lieu des pourparlers, de son modérateur, des participants, de son ordre du jour, des enjeux à débattre, des mécanismes d’application des résolutions qui découleront de ce dialogue, prouve la nature de non-événement et d’inconséquence du dialogue en question.
Pourtant, les dialogues inclusifs de sortie de crises sociopolitiques ou de sorties de guerres sont régulièrement organisés à travers le monde et l’ont été à travers l’histoire de l’humanité. Par conséquent, les données abondantes sur les procédures et mécanismes relatives à l’organisation des dialogues inclusifs de fin de crises sont établies, connues et normées. Seul un dialogue étalonné sur cette approche établie à l’international peut mettre fin à la crise sociopolitique et sécuritaire en cours chez nous, et ramener la paix durable que nous recherchons.
Malheureusement, malgré son titre captivant et pompeux de «grand dialogue national», le dialogue que proposent la France et son représentant, Paul Biya, aux Camerounais ne respecte en aucun point les normes établies mondialement pour les cas d’espèce. Entre autres, tous les aspects de l’organisation de ce
dialogue sont entrepris et programmés unilatéralement par Paul Biya et la France, une seule des parties en conflit, sans la participation des autres protagonistes des crises à régler. Il n’est pas question de réinventer la roue, mais plutôt d’utiliser la façon de faire établie à l’international pour organiser ce dialogue, comme ce fut le cas dans un passé récent pour résoudre les conflits semblables en ex-Yougoslavie, en Côte d’Ivoire, au Congo Kinshasa, en RCA, au Soudan, etc.
En plus de la faute de l’organisation du dialogue par une seule des parties en conflit, il s’agit également d’un dialogue intrinsèquement et explicitement exclusif, puisque les protagonistes clés de la guerre civile au NOSO vivant dans la Diaspora en sont exclus et que l’ordre du jour des enjeux à débattre exclut d’emblée les causes fondamentales à l’origine des crises à régler, telles que la forme de l’État du Cameroun et la réforme électorale. Ces préconditions de Paul Biya et de la France établissent la véracité de notre affirmation que leur dialogue tel que convoqué ne résoudra rien.
Dans le même ordre d’idées, le choix fourbes des mots utilisés par la France et Paul Biya dans leur convocation est éloquent et ne souffre d’aucun doute quant à la nature fourbe et perfide de leur «dialogue national». En effet, les qualificatifs «inclusif», «sans précondition», ou «sans exclusive» ne figurent nulle part dans le message en question.
Dans un dialogue inclusif, toutes les parties prenantes de la crise à régler sont impliquées à chaque stade de sa préparation, de son exécution et de l’application des résolutions convenues dans le cadre du dialogue. Dans le dialogue national de Paul Biya, l’unilatéralisme est consacré; la porte de la subjectivité est grandement ouverte à toute sorte d’interprétation sur les critères du choix des participants aux pourparlers, du choix des enjeux à débattre, de l’opportunité de l’application ou non des résolutions convenues par les participants au dialogue.
Ainsi, la France et le régime Biya dialogueront entre eux-mêmes, et prétendront par la suite que leur dialogue unilatéral et à sens unique a été inclusif et que les résolutions y résultant sont contraignantes.
Aussi, le vocable «Dialogue national» à la place de «Dialogue inclusif» est la clé de la ruse de la France et de Paul Biya, cette fois.
Pour nous membres de Diaspora pour la Modernité-Diaspora for Modernity, notre opinion est simple et claire : Nous avons toujours appelé au dialogue sans exclusive et sans précondition pour résoudre la crise sécuritaire et sociopolitique en cours chez nous.
Pour être crédible, acceptable par tous et avoir la moindre chance de régler durablement les crises visées, le véritable dialogue sincère et sans exclusive que réclament les Camerounais et la communauté internationale doit respecter et incarner les 12 attributs internationalement établis pour le cas d’espèce, suivants :
1. Inclusion : toutes les parties impliquées dans la crise Anglophone et les
crises sociopolitiques en cours au Cameroun, incluant les militants Anglophones et Francophones de la Diaspora doivent y participer; 2. Le lieu de la discussion doit être neutre, hors du Cameroun et choisi par le
consensus de toutes les parties prenantes; 3. Le médiateur ou la médiatrice doit être neutre et indépendant (e), et choisi(e) par le consensus des parties prenantes. Il/elle doit être idéalement de l’étranger; 4. L’ordre du jour et les enjeux à discuter ou à débattre dans le cadre du dialogue doivent être établis par le consensus des participants et non unilatéralement par la France et Paul Biya, une seule des parties en conflit; 5. Aucune précondition sur la participation de protagonistes ou pour limiter le contenu l’ordre du jour; 6. L’amnistie préalable de tous les prisonniers Anglophones embastillés dans
le cadre de la crise Anglophone, notamment Sissiku Ayuk Tabe et ses camarades; 7. La libération préalable de tous les prisonniers politiques, notamment le professeur Maurice Kamto, ses alliés, ainsi que tous les militants embastillés du MRC et de ses alliés; 8. Un cessez-le-feu négocié au préalable entre les parties en guerre avant le dialogue; 9. Toutes les causes initiales, à la source des crises sécuritaires et sociopolitiques en cours au Cameroun devront être à l’ordre du jour; 10. En particulier, la forme de l’État et le code électoral doivent y être discutés et modifiés. 11. Une feuille de route contraignante spécifiant le calendrier et l’ordonnancement de la mise en application des résolutions qui résulteront du dialogue; 12. Une définition claire des instruments et des mécanismes contraignants de
suivi de l’application des résolutions du Dialogue.
Notre pays, le Cameroun, se trouve une fois de plus, à la croisée des chemins de sa longue lutte pour sa libération du joug colonial de la France. Le dialogue inclusif recherché offre une rare opportunité pacifique aux Camerounais pour libérer enfin leur pays, par la nature et la qualité de la nouvelle constitution, de la nouvelle forme de l’État et des nouvelles institutions fortes qui découleront de ce dialogue tant attendu; d’où les tentatives de roublardise de la France et de son gouverneur colonial local, Paul Biya, pour noyer et contrôler ce dialogue et maintenir le régime colonial de Roland Charles Pré/ Louis-Paul Aujoulat en place à Yaoundé (le gouverneur colonial métropolitain de l’époque (1955), Roland Charles Pré, exclut le parti politique nationaliste UPC des élections de
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1955 et de tout processus électoral subséquent , puis engagea le processus de décolonisation qui aboutit à mettre en place le régime néocolonial français toujours en vigueur au Cameroun). Par la ruse, la fourberie et la tromperie, la France avait ainsi réussi à installer son régime néocolonial qui perdure encore au Cameroun. Actuellement, la France manœuvre pour continuer à garder en place ce régime tel quel, et ce, au prix de la vie de milliers de Camerounais!
Par conséquent, au-delà de l’identité individuelle des acteurs camerounais au- devant des lignes de front de part et d’autre des combats politiques en cours au Cameroun, ces troubles sociopolitiques et sécuritaires qui embrasent le pays en ce moment expriment une autre itération de la longue bataille du peuple pour l’indépendance du Cameroun hypothéquée par la roublardise coloniale depuis 1955.
Telle est la toile de fond, en filigrane au message de la France que son gouverneur colonial Paul Biya, gérant de ce régime néocolonial mis en place au Cameroun en 1955, a rendu public dans son soi-disant message «historique» à la nation, ce 10 septembre 2019.
Aussi, pour nous, membres de Diaspora pour la Modernité, le peuple camerounais combattant, nationaliste et patriote doit rester mobilisé et vigilant : Il faut tout faire pour exiger et participer à un dialogue réellement inclusif et ayant du mordant.
En conclusion :
1. Si la France et Paul Biya sont le moindrement sérieux dans leur prétention de dialoguer pour résoudre ces crises qui déchirent le Cameroun en ce moment, crises qu’ils ont eux-mêmes créées et entretenues, ils devront souscrire sans l’ombre d’aucune ambiguïté à un véritable dialogue sans exclusive qui respecte les 12 attributs énumérés ci-dessus;
2. Nous sommes tous d’accord pour résoudre la situation difficile que vit
notre pays par le dialogue, mais ce dialogue doit être réellement inclusif dans sa planification, son organisation, sa réalisation et dans la mise en œuvre de ses résolutions, sur la base d’un consensus de toutes les parties prenantes des conflits en question;
3. Si un dialogue est organisé en marge des acteurs majeurs d’une crise à
régler, il accouchera inéluctablement d’une souris : en bout de ligne, rien ne sera réglé;
4. Pour être crédible, acceptable par tous et avoir la moindre chance de
succès et de règlement durable des crises visées, le dialogue envisagé doit respecter et incarner les 12 attributs internationalement établis, précédemment présentés;
5. Prenant acte de la longue expérience des roublardises passées de la
France et de Paul Biya (abrogation du fédéralisme de 1972, résolutions de la Tripartite de 1991 jamais mises en application, non application de la constitution de 1996, modification de la constitution en 2008 pour enlever le verrous du maximum de deux mandats, etc.), il est sage et prioritaire de procéder d’entrée de jeu, c’est à dire dès le début des débats du dialogue, à la définition claire ,précise, et la création des instruments et des mécanismes contraignants de suivi de l’application des résolutions qui résulteront du dialogue (Attribut no 12 de la liste ci-dessus).
Tel est la contribution de Diaspora pour la Modernité, Diaspora for Modernity au débat sur l’organisation d’un dialogue réellement inclusif et effectif, pour régler la situation de crise généralisée qui prévaut en ce moment au Cameroun.
Il n’est jamais trop tard pour prendre conscience et revenir sur le droit chemin.
L’histoire nous observe.
Que vive le Cameroun fédéral, juste, inclusif, apaisé et maître de son destin.
Michael Fogaing, Porte-parole de Diaspora pour la Modernité-Diaspora for Modernity
N.B. : Diaspora pour la Modernité est une organisation de la société civile de la Diaspora camerounaise, pour qui l’espoir de l’avènement de l’indépendance des institutions démocratiques les unes des autres est la pierre angulaire de son activisme politique au Cameroun. Elle est basée au Canada.