Quelques mois à peine après la proclamation de l’indépendance, le jeune président de l’UPC d’alors, Félix Roland MOUMIE est empoisonné à Génève. Il n’avait que 35 ans.
Dans une interview exclusive à Journalducameroun.com, le Président actuel de l’UPC- MANIDEM, Albert MOUTOUDOU revient sur les circonstances de son décès mais surtout sur le legs que cette figure historique de la lutte pour l’indépendance du Cameroun aura laissé.
FÉLIX MOUMIÉ (1925-1960)
Felix Moumié est né au Cameroun en 1925.
Après des études de médecine à Dakar et s’établit comme chirurgien en 1947 au Cameroun, une ancienne colonie allemande partagée entre la France et la Grande-Bretagne. Moumié est alors contacté par l’indépendantiste Ruben Um Nyobe pour faire partie de l’UPC, l’Union du peuple camerounais, parti indépendantiste.
Moumié va bientôt prendre de l’importance au sein de l’UPC et devenir l’objet d’une étroite surveillance des autorités coloniales françaises, inquiètes de la radicalisation du mouvement. Moumié est en effet bien décidé à recourir à l’action armée, si nécessaire.
Le nouveau haut-commissaire français au Cameroun, Roland Pré, engage une partie de bras de fer avec l’UPC qui va aboutir à la répression sanglante d’une manifestation indépendantiste pourtant pacifique, le 25 mai 1955.
La répression, qui dure 5 jours, occasionne 5000 morts.
L’UPC étant interdite par l’autorité coloniale, Moumié se réfugie au Cameroun britannique, puis en Égypte, en Guinée et au Ghana.
Lorsque De Gaulle arrive au pouvoir, en 1958, son conseiller pour les Affaires africaines, Jacques Foccart, qui a la haute main sur les services spéciaux, où il a occupé d’importantes fonctions à la Libération, décide d’éliminer physiquement Félix Moumié.
À la suite d’une bavure, l’affaire – qui aurait dû rester secrète – est aujourd’hui connue.
De passage à Genève, en octobre 1960, Moumié, qui séjourne à l’hôtel Rex, est contacté par un journaliste pour une interview. Moumié est en confiance. Ils se sont rencontrés un an plus tôt à Accra. Un rendez-vous est fixé à l’hôtel du Plat d’argent le 15 octobre.
Le journaliste, William Bechtel, un homme de 66 ans, est en réalité un officier réserviste du SDECE qui s’est porté volontaire pour approcher Moumié, et l’empoisonner au thallium, un poison insipide, indolore, et à effet assez lent.
Selon une version, Bechtel aurait été accompagné d’une jolie jeune femme, chargée de détourner l’attention de Moumié. Selon une autre version Moumié était accompagné d’un camarade de l’UPC, Jean-Martin Tchapchaet, étudiant à Clermont-Ferrand.
Bechtel dispose de deux doses mortelles et réussit à empoisonner son verre d’anisette. Mais Moumié ne boit pas. Bechtel propose alors de dîner. Moumié accepte. Bechtel vide la deuxième dose dans le verre de vin de Moumié qui ne boit toujours pas. Mais à la fin du repas, Moumié avale les deux verres.
De ce fait, l’effet du thallium va être plus rapide que prévu. Félix Moumié était censé mourir à Accra, au Ghana, où il devait se rendre depuis Genève. Mais il ressentira les premiers symptômes dans la nuit et sera conduit à l’hôpital le lendemain soir où il tombera dans le coma avant de mourir le 3 novembre.
Bechtel, qui avait eu l’imprudence de s’inscrire à l’hôtel sous son vrai nom, sera soupçonné par les autorités suisses et un mandat d’arrêt international sera délivré contre lui.
L’agent secret sera arrêté en 1975 et extradé vers la Suisse; mais l’affaire sera finalement arrangée et aboutira à un non-lieu faute de preuves.
William Bechtel, l’agent secret français qui « liquida » Félix Moumié
La veuve de Félix Moumié, qui s’était battue depuis 1960 pour la mémoire de son mari, a été violée et étranglée en janvier 2009. Son assassin présumé, Franck Eboutou Minla’a, a été condamné à mort par un tribunal camerounais en mai 2013.