Le gouvernement multiplie des mesures pour contrer le virus à la couronne, en évitant soigneusement de prendre la mesure essentielle, le confinement total. Simplement parce qu’il ne veut pas y adjoindre les mesures d’accompagnement .
Le jeudi 9 avril 2020, le premier ministre Joseph Dion Ngute a informé la population camerounaise de ce que le gouvernement venait d’adopter 7 mesures complémentaires, dans le cadre de la lutte contre la propagation du corona virus. Il s’agit de la généralisation du port du masque à compter du lundi 13 avril dans tous les espaces ouverts au public, de la production locale des médicaments des tests de dépistage, des masques de protection et des gels hydro alcoolique par les institutions nationales compétentes sous la responsabilité du Ministère de la recherche scientifique, en relation avec le ministère de la santé, la mise sur pied des centres spécialisés des patients du Covid-19 dans tous les chefs lieu de régions en suivant le modèle des hôpitaux de campagne. L’intensification de la campagne de dépistage du Covid-19 avec la collaboration du Centre pasteur et de ses démembrements ainsi que des autres institutions sanitaires, et un accent sur les foyers de contamination déjà identifiés, l’intensification de la campagne de sensibilisation en zone urbaine et rurale aussi bien dans les deux langues officielles que dans les langues locales, la poursuite des activités essentielles à l’économie dans le strict respect des directives du 17 mars et des gestes barrières recommandés par l’OMS, et la sanction systématique de tout contrevenant aux mesures de restriction en vigueur et de confinement imposées aux personnes à risque.
Inapplicabilité de multiples mesures
En fait de 7 mesures, il s’agit plutôt de 6, avec une menace de sanction systématique pour non-respect de la mesure. Ajoutés au 13 mesures du 17 mars 2020, l’on en est à 19 mesures au total à ce jours édictées par le gouvernement. Assorties d’une 20eme qui prévoit « La sanction systématique de tout contrevenant aux mesures de restriction en vigueur et de confinement imposées aux personnes à risque. » Quelques observations : pour qu’on arrive à la sanction, il faudra que l’infraction soit constatée. Les 19 mesures impliquent donc la mobilisation de diverses unités des forces de sécurité pour veiller à leur application, pour éventuellement constater les manquements. Pour ne citer que quelques exemples, il faudra mobiliser les forces de l’ordre pour veiller à ce que les bars et autres snacks ferment dès 18h, d’autres pour vérifier que les taxis ne sont pas trop plein, d’autres pour vérifier que dans les lieux publics le port du masque est systématique, tandis que d’autres devraient être commis à la surveillance des personnes mis en confinement.
Question, dans la ville de Douala par exemple, combien de policier devront être affectés au marché central pour vérifier que toute personne présente dans ce marché porte effectivement un masque ? Et au « marché des chèvres », des femmes, à Nkololoun, à Mboppi, à New Deido, Ndokoti, Mabanda, pour ne citer que quelques-uns ? Il est évident que la région du Littoral viderait même toutes les casernes que les hommes en tenues seraient de loin en incapacité numérique pour contrôler tout le monde. Dans l’arrondissement de Douala Veme par exemple, où le nombre des Forces de maintien de l’ordre, gendarmes et policiers réunis ne suffisent pas pour surveiller le marché de Bonamoussadi seul, qui sera là pour surveiller le marché de Makepè Missoke, de BepandaTonnere, de Logpom, Pk 14 et autres. Et pendant ce temps qui sera sur les routes pour veiller à ce que tous les passants arborent le masque ?
Et si d’aventure 100 personnes par exemple sont interpellées pour défaut de port de masque, quel sort leur sera réservé ? Seront-elles amenées dans un poste de police ou une brigade de gendarmerie ? Comment feront les forces de l’ordre pour les acheminer en respectant ne serait-ce que la règle de la distance sociale ? Et une fois à la gendarmerie ou au commissariat comment les garderaient-elles ? En cellule ou dans la cour, dans quelles conditions et jusqu’à quand ?
Fuite en avant
On pourrait multiplier des simulations à l’infini, pour démontrer que les mesures, initiales ou complémentaires prises par le gouvernement pour lutter contre le corona virus manquent cruellement de réalisme, et n’ont de toute évidence fait l’objet d’aucune réflexion profonde. Au pire des cas, certaines de ces mesures contribuent plutôt à la propagation du virus. Le port du masque par exemple en est une preuve. Quel masque doit-on porter, pour combien de temps ? En l’absence d’une réponse claire, on en voit de toutes les couleurs dans la rue. Tous les couturiers sont devenus des spécialistes en confection des masques, et d’aucun n’hésitent pas à y mettre des fermetures. Sur les réseaux sociaux circulent d’innombrables astuces pour confectionner des masques, et chacun y va de son ingéniosité. Pareil pour les gels hydro alcooliques dont les marques de fabrique sortent de toutes les cuisines et des laboratoires de fortunes installés à la hâte derrière des maisons.
Déjà 20 mesures, au lieu d’une
Tout cela pourquoi, parce que le gouvernement veut donner l’impression de se préoccuper de la santé des Camerounais, tout en refusant justement de prendre ses responsabilités, et se limitant des mesures injectées par doses homéopathiques, à l’inefficacité prouvée. Aujourd’hui on en est à 20 mesures, alors qu’une seule aurait suffi à régler tous les problèmes que les 20 n’arrivent pas à résoudre. La seule mesure qui aurait suffi, c’est le confinement total, et la police, la gendarmerie ou l’armée serait déployée pour une seule et même mission, ce qui serait plus simple pour tout le monde, sans que des énergies soient dispersées. Une seule mesure que le gouvernement ne veut pas prendre, parce qu’il ne veut pas assumer la responsabilité étatique et régalienne qui est la sienne, à savoir adopter les mesures d’accompagnement d’un confinement total. D’autres pays ont tenté de jouer à ce jeu, mais sont finalement revenus à des meilleurs sentiments et ont pris cette décision ultime. Au Cameroun on veut sûrement atteindre un certain nombre de contaminés avant de franchir le pas. Après on fera les décomptes des dégâts.
Source: Roland TSAPI– V