Pour son trentième anniversaire, le parti phare d’opposition des années 90 n’a prévu aucune manifestation.
On a du mal à le croire, voici le 30e anniversaire du Sdf qui se déroule sans aucune manifestation nulle part dans le pays et singulièrement dans la région de l’Ouest où il a brillé de mille feux entre 1991 et la décennie suivante. Un parti qui a contrôlé près de 30 communes sur les 40 de la région de l’Ouest aux élections municipales de 1996 et 15 députés sur les 25 lors des Législatives suivantes. Si Paul Biya a eu le pire score pour un chef de l’Etat en exercice (A peine 7% dans les Bamboutos) lors de l’élection présidentielle du 9 octobre 1992 à l’Ouest, il le doit au Sdf alors dans sa plus belle flamboyance.
Joint au téléphone, le Secrétaire général du Sdf, ancien député à 21 ans, ancien président provincial du Sdf à l’Ouest, ancien sénateur et ancien Président du Groupe parlementaire du Sdf au sénat, l’Honorable Jean Tsomelou a confirmé que le parti n’avait rien prévu de spécial pour ce 30e anniversaire. Une discrétion qu’il justifie par le terrifiant joug que la terrible pandémie du Covid 19 impose aux populations. On prendra cette explication pour ce qu’elle est, en relevant toutefois que le public est quand même surpris qu’il n’y ait pas eu à cette occasion, même une simple conférence de presse.
TRAJECTOIRE
Né dans le sang le 26 Mai 1990 à Bamenda, le Sdf avait commencé ses activités par une marche réprimée par la soldatesque du régime qui avait tiré à balles réelles, tuant 6 manifestants. A la suite de cela, le pays s’était embrasé, permettant à ce jeune parti de surfer sur une vague populaire qui allait lui ouvrir les portes des succès électoraux.
Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Au fil des crises, le parti a enregistré d’importantes saignées dans les rangs. La longévité aux affaires de son leader, le Chairman Ni John Fru Ndi n’a pas non plus facilité les choses. Son enrichissement, la corruption de ses élites et les rumeurs de collusion avec le régime ont fini de couper ce parti de la base populaire qui l’avait portée aux nues.
Les dernières élections législatives du 9 février 2020 ont consacré la déchéance de la naguère première formation politique de l’opposition. Il s’en est sorti avec 05 députés. Il en avait 43 en 1997. Dans la foulée, la mort a frappé dans les rangs, emportant certains de ses leaders les plus emblématiques à l’instar de Me Joseph Mbah Ndam qui a trusté la plupart des postes importants à l’Assemblée nationale et qui à lui seul symbolisait l’image de l’embourgeoisement et de la collusion avec le régime en ses qualités de Président de Groupe parlementaire du Sdf et Vice-Président de l’Assemblée nationale entre 1997 et 2020.
Au moment où le parti fête ses 30 ans, la crise dans les régions anglophones a démobilisé sa base, jetant ses militants dans les bras des sécessionnistes pour les uns et dans la retraite politique pour les autres. Certains autres encore n’ont pas fait mieux que de rejoindre officiellement le parti au pouvoir.
Pour ne pas faciliter les choses, l’âge et la maladie tenaillent son leader historique qui ne peut plus assumer ses fonctions fédératrices. Il a passé la main à des lieutenants qui manifestement ont enfilé un boubou trop grand pour eux. Le résultat est ce qu’on voit, la mort lente d’un parti qui a porté sur lui les aspirations profondes du changement dans ce pays tout au long de la décennie 90
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