Lors de l’élection présidentielle 2018, le parti politique LE CAMEROUN NOUVEAU (LCN) dont le suis le fondateur et président s’est coalisé avec d’autres forces politiques au sein d’une plateforme baptisée PPNR (Plateforme pour la nouvelle République). Les partisans de cette convention avaient porté leur choix de représentation sur le bâtonnier Akere Muna et aujourd’hui, 2 ans plus tard, j’observe le spectacle ubuesque et ô combien humain de funambules politiques qui loin d’avoir lu Machiavel se conforment à la comédie humaine des opportunismes de circonstances. Voici ma réponse à l’un d’eux qui se reconnaîtra.
UNE CONCEPTION PERSONNELLE DU MONDE
Cher ami,Sans coup férir, je pense pouvoir assertir que je fais partie de l’opposition camerounaise dite modérée, c’est-à-dire celle qui sans cesse guidée par la quête de raison essaie, tant bien que faire se peut, d’opposer l’analyse critique aux errements de l’obscurantisme fanatique viscéralement lié aux apories systématiques de l’extrémisme partisan.
C’est ce souci d’objectivité qui a toujours fait chorus avec notre action politique.Je me refuse donc à nous enfermer, mon parti politique LCN et moi dans des logiques claniques, ethno tribales ou d’affairismes qui obscurcissent la vue et empêchent une rationalisation objective des actions gouvernementales.
Cette quête effrénée de relativisme dans nos actions nous vaut souvent le soupçon d’équilibrisme, de neutralité ataraxique dans un contexte politique où les ad hominem cèdent la place à l’analyse critique, où les sentences irrémédiables, définitives, l’emportent sur une nuance des vérités enfouies et jaunies au soleil de l’indolence tropicale et des appétits circonstanciés.En toute chose, il faut de la nuance, la nécessaire cautèle d’un présupposé tangible devant une évidence unilatérale (dont soumise à interprétation), d’un bénéfice du doute en face de la conviction comminatoire la plus affirmée.
Assistez-vous comme moi, ahuris au spectacle désopilant en même temps que stupidement éristique auquel se livre le parti RDPC sous la plume du professeur Fame Ndongo sur les analyses personnelles de Achille Mbembe depuis quelques jours ? Il s’agit pourtant de 2 éminents professeurs d’université dont l’un assure avec arrogance la suffisance, que dis-je la fatuité et l’auto satisfecit du parti Etat dont il est le secrétaire, sacrifiant totalement une lecture même relativement nuancée des propos que son contradicteur lui assène.
Entendez-vous le chant assourdissant des tenants du « Tout va bien », « Laissez notre pays comme il est », des rassasiés du système clanique qui l’emportent sur un infime recul analytique qui les amènerait à une autocritique même partielle de leurs actions collectives ?Sur les médias virtuels, au couchant et même au lever (que dis-je, à toute heure), il y a cet autre ministre d’opérette, devenu important par hasard, qui s’évertue à démontrer à quel point l’allégeance de la faculté de penser à la boulimie physiologique des nominations alimentaires peut étaler la parfaite inculture d’une existence idéalement égoïste qui s’est longtemps reniée.
Et pour emprunter à Camus dans La peste : « La bêtise insiste toujours. On s’en apercevrait si on ne pensait pas toujours à soi ».Vois-tu cher ami, ce fonctionnement hypercentralisé, cette boulimie de pouvoir, cet hypermonopole de la certitude engendre un éléphantiasis de la connaissance autojubilatoire, qui ne fonde sa complexion que sur des artefacts de connaissance et l’illusion de son infinitude. Ainsi fonctionne le RDPC qui convaincu d’être toujours là hier, aujourd’hui et au-delà du temps, nous assène ses vérités essentielles avec une foultitude de certitudes intemporelles qui contredirait l’ecclésiaste si l’histoire ne leur donnait tort. Je parle ici de l’histoire des décadences qui des royaumes d’Assyrie, Babylone et jusqu’à l’hégémonie nazie, a toujours fait tomber les totalitarismes. Oui, il y a bien un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux, je le pense profondément.
POUR UNE OPPOSITON DE REEL CHANGEMENT
Mais quand on s’adonne à l’action politique sérieuse, il est possible de le faire sans sacrifier à la collusion prégnante, en essayant de rester soi ou simplement alors s’astreindre au silence plutôt que de s’associer aux défenseurs d’un ordre social qui ne profite qu’à ses organisateurs. Quand l’on agite le spectre du changement pour faire valoir des alternatives au statu quo, l’on se doit il me semble, de sacrifier à une exigence de rectitude morale et de rigueur de sa pensée.
Je ne suis pas d’une opposition ni incantatoire, ni systématique, je suis pour une opposition de réel changement, c’est-à-dire une pensée qui se structure sur d’autres paradigmes que ceux en vigueur au Cameroun actuellement.De ce fait, je ne m’astreins pas à la pesanteur mortifère de la pensée qui condamne ; Je propose, et ceci depuis des années. Certaines de mes tribunes ont fait des émules qui ne me citent jamais, mais il me semble que s’attribuer la paternité des idées n’est pas le plus important quand l’on défend la cause d’un éclat total de la lumière, la supériorité des fragments comminutifs de raison sur les forces obscures de l’affairisme, de la collusion clientéliste et des relations affinitaires qui font le lit de la stagnation voire du recul de la pensée dans notre pays.
SAVOIR DISTINGUER L’ETAT-PARTI RDPC DE SES MILITANTS
Faire preuve de discernement, c’est poser une césure analytique entre les idéologues et la masse. L’Etat-parti RDPC, ce ne sont pas ses militants dont de nombreux m’ont d’ailleurs sollicité quant au désarroi interne auquel ils sont confrontés de l’intérieur et beaucoup ont rejoint nos rangs. Je ne saurais être hostile au peuple, je le suis pour ceux qui prétendent penser à sa place et qui le desservent en l’aliénant pour mieux le dépouiller.
Henri Georges Minyem
Je suis régulier au Cameroun où je rencontre beaucoup de personnes y compris de la majorité RDPC ; je ne les considère pas comme mes ennemis, mais des citoyens camerounais avec lesquels je suis en profond désaccord aussi bien idéologique et méthodologique. J’ai toujours pensé que leur logiciel est obsolète et que leurs références idéologiques, leur perception du monde, leur écosystème était suranné face aux défis qui se posent au monde de nos jours.
J’ai toujours pensé que le RDPC ne peut pas produire d’esprit critique qui sorte d’une nébuleuse ethno tribale abêtissante puisqu’il peine génétiquement à écouter la différence (ce qui est une tare héréditaire). Il s’avère incapable de s’édifier de la différence encore moins de la contradiction, convaincu de deux choses :1. Une telle attention risquerait de faire comprendre à ce mastodonte sans autre idéologie que le pouvoir, qu’il se trouve dans l’erreur d’anamnèse et donc de projection,2.
Les connivences longtemps développées s’accommodent d’un système darwiniste à l’américaine sauf qu’ici, en lieu et place des plus forts dans une société de libre concurrence, c’est le clan et la tribu qui prospèrent dans un écosystème prédateur au détriment du reste du corps social devenu le lumpesprolétarien du modèle sociétal Camerounais.
De fait, j’ai toujours pensé que cet état tribal était incapable de nous proposer autre chose que la lente perpétuation d’une déliquescence annoncée qui se vit au travers de cautères, de succédanés, d’ersatz de modèles étrangers importés de manière brute. Il y a une différence d’envergure spatiale car les modèles occidentaux, au contraire des nôtres, se sont auto pensés, et ceci sur des siècles. La démocratie occidentale s’est d’abord pensée chez les antiques (Platon, Aristote, les sophistes…) avant que de revenir sous des formes classiques de Pufendorf, Grotius, Hobbes, Locke, Hume, Rousseau… dès les XVe- XVIe siècle.
REPENSER LES FONDEMENTS PARADIGMATIQUES DU RÔLE DU POLITIQUE DANS LA SOCIETE CAMEROUNAISE
Aujourd’hui, plus que jamais, je pense qu’il faut une nouvelle conception de propositions qui tiennent compte des lacunes de notre système sociétal, sans commettre deux erreurs méthodologiques majeures :D’un côté, rentrer dans une logique d’opposition incantatoire, d’autre part sacrifier à un culte de la personne qui serait l’autre pendant de la dictature d’Etat instaurée chez nous. Il est question d’une réelle opposition qui s’affranchisse de l’allégeance à un démiurge supposé incarner l’altérité pour repenser la nation sur la base de participations plurielles.
Exit donc les leaders de communautés pour penser la nation ontologiquement et structurellement.Voilà comment je vois le Cameroun de demain et quand je vois des logiques d’appareil dont la finalité est la préservation du pouvoir pour son utilitarisme, quand j’aperçois en contreplan des logiques paternalistes qui se fondent sur l’allégeance à des penseurs autoproclamés, des doctes savants auréolés d’un halo de sapience et frappés d’infaillibilité, je m’oppose à la séquestration de la raison et me pose en fervent militant d’un Cameroun dénué de ces travers d’adolescence devenus les marqueurs d’un continent qui n’a jamais vraiment compris les mécanismes de fonctionnement des démocraties occidentales.
Il nous faut éviter les erreurs systématiques que nos aînés ont commises, à condition de se penser comme des vecteurs de progrès, des catalyseurs d’impulsions et non des solutions définitives à ce changement systémique que nous appelons de nos vœux et qui, de toute façon sera un phénomène progressif, diffus, dont la prise de conscience corpusculaire se fera par capillarité, discours après discours, années sur années.
Henri Georges Minyem
Professeur en écoles d’ingénieurs/Enseignant d’économie à l’université de Paris VII-DiderotPrésident du parti politique LE CAMEROUN NOUVEAU (LCN)