L’Impasse politique actuelle est-elle due à l’absence ou à l’impossibilité d’une veritable idée de ce qu’il faudrait faire de ce pays? Appelons ca idéologie si vous permettez… Essayons de recenser ce que pensent les camerounais et essayer de classer ces ideologies de droite à gauche.
Il faut dire avant tout que ce que pensent les camerounais vient plus de la philosophie de chaque jour que des connaissances issues des disciplines ou des mythes. Il y a à l’extreme droite les mathiasowonanguinistes et les Atanganjistes, ceux qui pensent que la force est la seule manière de gérer la République. Il y a un plus au centre les “mieux on reste comme ca” ceux qui savent que ca ne va pas mais sont dans tout sauf les Bamilekes.
Ils pensent que les Bamilekes ont déjà le business, il ne faudrait pas leur donner le pouvoir en plus. Ils disent que tout ce que font les Bamilekes est faux et on se demande comment vouloir laisser les choses comme ca quand avec le pouvoir qu’ils disent avoir ils seraient en mesure d’éradiquer ce fameux faux dont ils accusent les Bamilekes? Donc un Cameroun de faux, de tricherie, d’échec et de confiscation de pouvoir est ce qu’ils prônent.
Il y a ceux qui caractérisent les autres d”aigris” très souvent ceux qui bénéficient des privilèges de l’Etat contre ceux qui aspireraient à ces mêmes privilèges. Il y a les “il faut que ca rentre au nord”, c’est aussi les “tout sauf les Bamilekes” qui préfèrent qu’on perde tous et que le pouvoir aux sud rentre au nord d’où il est venu.
Il y a les “pourquoi seulement ces deux là Bamileke-Beti?” car le Cameroun est composé de centaines autres ethnies dont on parle peu. Parmi eux il y a les Renesadistes, ceux qui pensent que quelqu’un qui ne serait ni l’un, ni l’autre comme Rene Sadi devrait être le prochain président.
Il y a les “après Biya, Biya”! Un fils qui succéderait au père, fils biologique ou fils spirituel. Il y a les “il faut un jeune”, comme si être jeune était une idée, quand on sait que ce sont les jeunes qui tiennent l’édifice des vieux grabataires qui se maintiennent encore au pouvoir. Dans la même lancée il y a les “il faut un anglophone”, sauf qu’on attribue plus d’intégrité à ceux qui parlent anglais sachant aussi que beaucoup de camerounais francophones inscrivent leurs enfants dans les sections anglophones car la langue de Shakespeare serait l’avenir parce que parlée partout dans le monde entier.
Il y a les “africanistes” qui disent les blancs dehors! Sauf qu’ils mettent Paul Biya, Idriss Deby, Sassou Nguesso parmi les africanistes… C’est a dire des dirigeants qui défendent l’Afrique contre les blancs…. avec les résultats qu’on connait… la France-Afrique! Il y a les “il a les mains liées” qui sont un corollaire africaniste… comme les “vous allez pleurer Paul Biya”. Au centre il y a les “peu importe qui est là du moment où il gère bien le pays”. Il y a les “Dieu est au contrôle”, “le pouvoir vient de Dieu” sauf que pour Biya ce Dieu s’appelle Ahidjo.
Il y a les ONGistes, ceux qui répètent ce que disent les ONGs. Il y en aussi qui ne pensent que ce qui va leur rapporter l’argent. A gauche il y a les réactionnaires, ceux qui réagissent contre ce que fait le regime en place. Les “Ils sont déjà entrain de mettre leurs enfants partout”. Dans la même veine il y a ceux qui cherchent les leurs dans différentes listes ou l’inverse ceux qui cherchent les noms des autres noms sur les listes… que ce soit les listes des concours d’entrées dans les écoles publiques, les listes des nominations, les listes des propriétaires fonciers ou dans l’autre sens ceux qui cherchent les origines de ceux qu’on appelle les “fauteurs de trouble” ou des policiers qui les arrêtent.
Il y a les “qui a dit qu’un Bamileke ne doit pas diriger le Cameroun?” Il y a les “tout est de la faute de Biya”, les “pays dans le caniveau”, les “38 ans ca suffit”! Il y a aussi les “Paul Biya must go”! Un courant qui grandit c’est les anti-diaspora contre “ceux qui salissent l’image du pays” et dans l’autre sens ceux qui traquent et font honte à l’élite camerounaise à l’étranger par des actions spectaculaires.
Il y a les anti “ceux envoient les enfants des autres mourir” lorsqu’on appelle les camerounais à marcher, comme si marcher tuait. Il y a enfin ceux qui soutiennent tout simplement le frère village quelque soit l’idéologie…
La question qui se pose est la suivante, est-ce que toutes ces choses que pensent les camerounais peuvent être appelées ideologies? Et ces ideologies, si elles en sont, sont-elles en mesure de mener notre pays quelque part? Je pense à ce que d’aucuns appellent “développement”? Si la réponse est oui, alors comment choisir son parti ou son candidat dans cette jungle “idéologique” camerounaise? Si je m’en tiens à ce que j’entend, j’ai plutôt tendance à penser que nous n’irons nulle part et tout est perdu d’avance… à moins qu’une force extérieure vienne siffler la fin de cette cacophonie qu’on appelle démocratie. Je souhaite vivement me tromper. Dites-moi que je me trompe et je me sentirai mieux.
Source: Cinéaste Jean Pierre Bekolo