Dans son homélie, à l’occasion de la célébration de la nativité, le 25 Décembre 2019, Msgr Emmanuel Abbo, évêque du Diocèse de Ngaoundéré dresse un tableau sombre du mal être profond qui ronge la société camerounaise. La plus haute autorité catholique dans la région de l’Adamaoua a passé en revue les maux qui gangrènent la cohésion sociale et la stabilité politique de la nation.
L’homme de Dieu a eu les mots durs contre les fonctionnaires irresponsables, les dirigeants impavides, les hommes de Dieu cupides. Si le Cameroun va mal aujourd’hui, c’est surtout à cause de l’injustice sociale qui a fait son lit, le sentiment d’infériorité, les maigres conditions de vie qui habitent certains camerounais. La faim, la misère, l’écrasement des pauvres, l’injustice sociale, la corruption, les détournements des fonds publics sont les obstacles qui se dressent sur le chemin de la stabilité du Cameroun.
Emmanuel Abbo invite le peuple Camerounais à se dresser contre cet état de fait, à démanteler ces frustrations qui sont des menaces pour la paix au Cameroun. Aujourd’hui, au pays du Cardinal Christian Tumi, de plus en plus se nourrir et nourrir sa famille devient un véritable exploit.
Monseigneur Emmanuel Abbo, décrit avec verve et surtout amertume, les souffrances des affamés et se fait le porte-parole des sans voix.
Nous vous proposons l’intégralité de son homélie.
Il y’a beaucoup de situations dans notre pays qui constituent une menace réelle pour la paix. Ces situations que nous pouvons énumérer ici sous la forme des questions : Est-ce que les enfants de pauvres peuvent encore espérer obtenir un emploi dans notre pays ? Ou encore peut-on passer un concours dans ce pays, pour espérer une promotion sans avoir un parrain ? Les pauvres peuvent-ils encore se soigner dans les hôpitaux ? Les pauvres peuvent-ils encore immatriculer leurs terrains ? Les enfants des pauvres peuvent-ils avoir accès à une éducation de qualité ? Peut-on encore espérer recevoir un service gratuit dans nos services publics ou privés ? Est-ce que les pasteurs, les prêtres et même les évêques accueillent, écoutent et servent leurs fidèles d’égale manière? Est-ce que certains fidèles ne sont-ils pas des victimes de la discrimination dans le service qu’ils sont en droit d’attendre de leurs pasteurs, de leurs bergers?
Comment donc prétendre construire la paix dans notre pays quand certains camerounais ont mal dans leurs cœurs à cause des injustices des discriminations, dont ils sont victimes, sans oublier leurs misérables conditions de vie qui sont une véritable deshumanisation. Comment prétendre construire la paix durable dans notre pays quand à cause de la corruption, des détournements des biens publics, certains camerounais ne peuvent plus recevoir le minimum de service, qui leur est dû ? Comment construire la paix durable dans notre pays, quand certains fidèles ne peuvent plus recevoir les conseils, les réconforts, les soutiens spirituels, les services qu’ils attendent de leurs pasteurs, de leurs bergers ? Vers qui doivent-ils se tourner finalement ? En bref peut-on véritablement collaborer à la construction de la paix lorsqu’on a mal dans son âme ou dans son corps ? Ou encore lorsqu’on n’est même pas capable de dire qu’on a mal, qu’on nous oblige à dire que nous allons bien, alors que nous allons mal ?
A la suite des évêques du Cameroun, posons-nous donc cette question mes chers frères et sœurs. Ne suis-je pas dans mes pensées, dans mes paroles, dans mes actes, dans mes publications, dans mes interventions et mon comportement au quotidien acteur ou complice de la monté de la haine ou de la colère dans mon pays ? Est-ce que par ma manière de vivre, je n’entretiens pas ces fléaux, je ne suscite pas de la colère, autant des choses qui nuisent gravement à la cohésion sociale ? Ces comportements, certes ne sont pas à généraliser sur tous les camerounais, tous les habitants du Cameroun. Parce que nous savons qu’il y’a beaucoup d’âmes de bonne volonté dans les services publics comme dans les services privés, dans les familles ou partout où ils se trouvent des personnes qui travaillent, qui prient pour la construction de la paix au Cameroun.
Nous souvenant de l’intersection d’Abraham en faveur de Sodome. L’intersection au cours de laquelle Dieu a renoncé de détruire Sodome, nous voulons dire que c’est à cause de ces personnes dans notre pays qui prient, qui contribuent constamment à la construction de la paix, c’est à cause de ces personnes-là, même s’ils sont au nombre de 50, de 40, de 30 ou de 10 sur la vingtaine de millions que nous sommes, c’est à cause de ces personnes, que le seigneur continue d’épargner le Cameroun, que le seigneur continue de bénir le Cameroun.
La fête de noël invite tous et chacun à être les artisans de paix dans ce pays en accueillant la paix de l’enfant Jésus que nous apportent et en travaillant pour la conserver et la diffuser auprès de nous. Notre collaboration avec la paix, consiste donc à combattre tous les fléaux que nous avons énumérés plus haut et qui sont des menaces réelles pour la paix.
Cette lutte pour la paix exige également que nous anticipions sur certains comportements qui peuvent générer de la haine, générer de la colère, des frustrations et des mécontentements de toutes sortes, mais plutôt entretenir en nous des valeurs telles que la solidarité, la fraternité, la charité, le pardon, le respect de l’autre, l’amour dans la vérité, l’honnêteté et j’en passe.
Lu pour vous par EKN sur Facebook