COMMUNIQUE RELATIF AU « PREMIER RAPPORT D’AUDIT DE LA CHAMBRE DES COMPTES SUR L’UTILISATION DU FONDS SPECIAL DE SOLIDARITE NATIONALE POUR LA LUTTE CONTRE LE CORONAVIRUS ».
Dans un document d’apparition récente dans l’espace public, la Chambre des Comptes de la Cour Suprême présente la synthèse de ce qui est supposé être son rapport général d’audit « sur l’utilisation des ressources du fonds d’affectation spéciale de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus ». Ce document interroge à bien des égards. Son statut juridique est loin d’être établi. Non seulement il ne fait pas l’objet d’une datation précise (y figure une référence au mois de mars 2021), mais il n’est ni signé, ni clair par rapport à son commanditaire.
Le document fait, certes état, de ce que la réalisation d’un audit indépendant du fonds spécial a été prévue dans divers textes législatifs et règlementaires pertinents et même que les résultats dudit audit devraient être rendus publics. Aucune trace de ce document n’existe cependant sur les sites internet des institutions publiques compétentes qui ont qualité pour le rendre public. Il était pourtant entendu, dès la création même du Fonds Spécial de Solidarité Nationale pour la lutte contre le Coronavirus, que la Chambre des Comptes assurerait un audit indépendant sur l’utilisation des ressources de cette facilité dès la fin de l’exercice 2020. Il est de ce point de vue étonnant qu’en lieu et place d’un rapport d’audit complet, une synthèse d’un rapport incomplet ait été diffusée par des voies curieuses.
On ne peut manquer de s’interroger sur l’opportunité de la publication de ce document de synthèse dont le contenu n’est pas indemne d’arrière-pensées politiciennes, notamment dans le contexte de fébrilité du moment. Quelle est en effet la pertinence de la publication des conclusions concernant deux départements ministériels seulement sur un ensemble de 21 audités ? La Chambre des Comptes dit avoir privilégié, pour commencer, les administrations ayant (supposément) joué un rôle central dans le plan gouvernemental de riposte contre la pandémie et celles pour lesquelles des crédits budgétaires significatifs ont été consommés. Ceci expliquerait le choix porté sur le Ministère de la Santé publique, récipiendaire d’une dotation de plus de 45 milliards de FCFA et le Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MINRESI). Dont acte.
Une question inévitable demeure : pourquoi un audit du fonds COVID-19 et pas celui de la gestion des activités liées à la CAN avortée de 2019 ?
Cela étant, et malgré les quelques points d’ombre relevés au passage ci-dessus, on devrait saluer, ne serait-ce que dans le principe, le travail entrepris par la Chambre des Comptes. Les conclusions, même partielles, de son rapport d’étape méritent l’attention d’autant plus qu’elles semblent s’appuyer sur des éléments de preuve appropriés.
De ce point de vue, les faits rapportés par la Chambre des Comptes ne laissent aucun doute sur l’insensibilité constante du régime en place aux souffrances des populations camerounaises, dont les intérêts se trouvent une fois de plus sacrifiés sur l’autel de l’enrichissement illicite, même dans un contexte de pandémie planétaire. De fait, les 180 milliards de FCFA qui font l’objet de cet audit ont été mobilisés en urgence face à la catastrophe humanitaire qui continue de sévir, menaçant de détruire toujours plus de vies. On est littéralement face à un crime contre l’humanité lorsque des fonds destinés à faire face à une urgence sanitaire d’ampleur mondiale sont ainsi divertis.
L’usage détourné des régimes d’exceptions, notamment le recours au « marché spécial » est une stratégie largement utilisée par les membres du gouvernement et leurs délégataires à des fins d’enrichissement personnel. L’impunité entretenue et encouragée aidant, il n’est pas surprenant que les pratiques validées dans le cadre des marchés frauduleux de la CAN 2019 participent désormais d’une ‘jurisprudence’ constante sous le régime dit du « Renouveau ». La distraction de la fortune publique par différents procédés criminels, dont ceux de la surfacturation et du dépassement des budgets alloués s’est normalisée. En dehors de la CAN 2019, les marchés des infrastructures illustrent à souhait ces pratiques criminelles, tout comme la constance de conflits d’intérêts potentiels du fait des relations entre les attributaires de nombre de marchés et les responsables politiques ou administratifs compétents.
Il est déplorable que de nombreux membres du gouvernement n’aient pas donné suite aux demandes d’information de la Chambre des Comptes dans le cadre de cet audit, jetant ainsi une suspicion légitime sur les conditions d’attribution de nombre de marchés sous leur autorité. Il est tout aussi regrettable que ce mépris inacceptable de la Cour Suprême du Cameroun, la plus haute institution judiciaire du pays, qui constitue une violation manifeste de la loi par les ministres concernés, ne soit pas qualifiée comme telle par la Chambre dans son rapport.
Dire qu’avec moins de 534.604.955 F CFA, Survie – Cameroon Survival Initiative (SCSI) a apporté un soutien plus effectif aux populations camerounaises dans la lutte contre le Covid-19, malgré l’hostilité manifestée par les autorités gouvernementales qui ont vainement essayé de bloquer les opérations de distribution des produits nécessaires au renforcement des mesures barrières, notamment par des arrestations brutales et arbitraires des bénévoles, refusé de réceptionner des équipements de protection des personnels de soignants et de prise en charge des patients Covid-19, pourtant absents dans de nombreuses formations sanitaires du pays, etc. A ce jour, les comptes Orange Money et Mobile Money dans lesquels des camerounais ont fait des dons à leurs compatriotes dans le cadre de l’opération humanitaire SCSI demeurent bloqués du fait des mêmes autorités gouvernementales visées par l’audit de la Chambre des Comptes.
Il est à espérer que la Chambre des Comptes produira son rapport exhaustif et le rendra public au plus tôt et dans son intégralité, conformément aux dispositions de la loi portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun. Il est impératif que la Chambre effectue, comme elle y est du reste tenue, le suivi des trente recommandations qu’elle dit avoir formulées et qu’elle portera les résultats de manière régulière à la connaissance du public.
Face à l’ampleur des détournements des deniers publics dénoncés depuis des années par des acteurs politiques et mis au goût du jour par l’audit d’étape de la Chambre des Comptes, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun demande :
1- Qu’un audit véritablement indépendant soit réalisé sur la gestion de tous les fonds publics mobilisés dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 au Cameroun. Cet audit véritablement indépendant devra permettre de faire toute la lumière sur cet autre vaste scandale financier gouvernemental, qui est d’autant plus révoltant qu’il porte sur des fonds destinés à sauver les populations camerounaises en danger de mort.
2- Que tous les responsables gouvernementaux et administratifs mis en cause dans le scandale de la gestion des fonds Covid-19 dans notre pays soient déchargés de leurs fonctions, afin de répondre de leurs actes devant la justice, et d’éviter des manipulations éventuelles d’éléments de preuve.
3- Que la Chambre des Comptes ainsi que toutes les institutions étatiques chargées du contrôle de la gestion de la fortune publique soient dotées du pouvoir de saisir directement la justice des cas d’irrégularités mis en évidence par leurs contrôles.
Fait, le 25 mai 2021
Maurice Kamto, Président Nation du MRC