La résurgence du sentiment d’une privatisation du gâteau national par le “bouclier granitique” Ekang constituée des Fang, Béti, Bulu est de plus en plus exprimée après la publication des résultats de divers concours, les nominations dans les universités, à la CRTV, dans le commandement militaire et civil… Ce sentiment est résumé par le post d’une page d’almanach montrant les gouverneurs de provinces en 1976 précédé du commentaire d’un certain James Kamerun le 4 juin 2020. Voici ce que dit le commentaire de cette personne :“Quand la gouvernance par proximité sociologique n’existait pas au pays. Aujourd’hui 7 gouverneurs sur 10 sont Bétis”.
Afin de vérifier la véracité de cette affirmation nous avons questionné les nominations des gouverneurs au Cameroun de 1961 à nos jours. Pendant longtemps, ces nominations étaient perçues comme un savant dosage politico-administratif semblable à celui qui prévalait lors de la formation du gouvernement et dont la finalité était que chaque région (province) ait l’un de ses ressortissants à un poste de gouverneur. Les données chiffrées confirment que cette coutume constitutionnelle est devenue quétaine.
Pour cette analyse, six groupes sociologiques ont été définis.
– Le groupe des Fang-Béti qui regroupe les “proconsuls ” originaires des régions du Centre, Sud et Est exceptés les Bassa ;
– Le groupe des Nordistes fait des “résidents généraux” ressortissants des régions nées de l’éclatement de l’ancienne région du Nord à savoir l’Adamaoua, l’Extrême-Nord et le Nord ;
– Le groupe des Anglophones constitué des “généraux en civil” originaires de l’ancien Cameroon occidental au parlé anglais ou issus des régions actuelles du North-West et du South-West ;
– Le groupe Bamiléké-Bamoun comprenant les “commandants ” natifs la région de l’Ouest ;
– Le groupe Sawa qui compte les “ régents ” Douala stricto sensu et les autochtones du Moungo.
– le groupe Bassa composé des “hauts-commissaires ” d’extraction Bassa ou Bakoko
Le diagramme ci-dessus résume les données collectées sur les mouvements des gouverneurs au Cameroun depuis 1961. Le mot gouverneur utilisé ici englobe les inspecteurs fédéraux dont ils sont une évolution. Il est établi que de la nomination des premiers inspecteurs fédéraux en 1961 à ce jour (12 juillet 2021), 78 personnes ont eu l’insigne honneur d’être les dépositaires de l’autorité de l’Etat dans les régions administratives dont ils ont eu la charge. De ces 78 gouverneurs, 21 furent nommées par A. Ahidjo et 57 ont bénéficié du décret de P. Biya.
En 21 années et des 21 gouverneurs nommés par Ahidjo 10 étaient Fang-Beti-Bulu et un seul du Nord sa région d’origine. En 40 ans, Paul Biya s’est fait représenter par 23 gouverneurs Ekang sur 57 dont les 5 sur 10 qui administrent les régions de l’Est, du Littoral, du Nord, du Sud et du Sud-Ouest actuellement. Lorsque le 6 novembre 1982 (ligne verticale en points et tirets sur le graphisme), Paul Biya prend les rênes du pouvoir, 2 des 7 gouverneurs de province d’alors sont de son aire sociologique. Avec le passage à 10 provinces en 1983, ce nombre va être porté à 3. Le point du “Weti u go do” (qu’allez-vous faire ?) est franchi après 2008 quand les régions commandées par les ressortissants des “ethnies présidentielles” passent à 4. Contrairement au chiffre de 7/10 qu’a avancé l’auteur du post évoqué plus haut, aujourd’hui, avec 5 gouverneurs sur 10, le gâteau national au niveau des gouverneurs est à 50% aux mains des Fang-Beti-Bulu. Ceci ne s’explique pas.
A l’exception des Anglophones qui gouvernent les régions de l’Ouest et du Centre (Capitale) et dont 12 des 14 gouverneurs qu’ils ont eu ont été nommés par P. Biya, ce sont toutes les autres composantes sociologiques qui payent les frais de cette boulimie Ekang. Ce qui se passe au niveau des gouverneurs n’est que l’illustration d’une septicémie.
Aujourd’hui au Cameroun, en dépit de la multitude des entités sociologiques et la conséquente lutte pour la lumière (gâteau national) qu’impose cette futaie, quel que soit le prisme utilisé, il saute à l’œil que la répartition du gâteau national dénote une gouvernance médiocre. Il y a eu dérive. Depuis 2008, de façon insidieuse le Cameroun subit ce que d’aucuns appellent un “tribalisme d’Etat”, cette invasion des postes de décision par la même ère sociologique.
La centralisation à outrance des pouvoirs de décision aux mains des Fang-béti, la confiscation des privilèges de la gestion des ressources du pays, en d’autres termes l’accaparement du gâteau national, par les Fang-Beti-Bulu est conflictogène. La montée des régionalismes de toute sortes et les discours haineux en sont la manifestation.
Pour cela aussi Paul Biya Bi Mvondo aura lamentablement échoué.
Cameroun-Gouverneurs-extendedDavid Manga Essala
Analyste