Les deniers événements dans les régions anglophones du Cameroun ont fait réagir l’ancien sous-secrétaire d’Etat américain pour l’Afrique, Tibor Nagy. Sur twitter, le diplomate réitère une nouvelle fois qu’il n’y a pas de solution militaire pour mettre fin au conflit sanglant qui sévit dans les régions anglophones du Cameroun.
“Tellement désolé de voir la violence accrue dans le conflit anglophone du Cameroun. J’ai prévenu pendant des années que s’il n’était pas résolu, le conflit deviendrait plus meurtrier et se propagerait. Il n’y a pas de solution militaire. Ce qui est dans l’esprit humain ne peut pas être éteint par la force” , a écrit l’ancien Monsieur Afrique de l’administration américaine.
Lors de la séance des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale française, le député indépendant de Haute-Garonne, Sébastien Nadot, a posé une question directe au ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à propos du rôle de la France qu’il accuse de soutenir le régime dictatorial en place. Pour lui, il y a lieu de revoir le comportement de la France sur le continent africain.
“Au Cameroun, il y a une dictature, il y a des massacres, c’est factuel. Alors me répondre que mes propos sont contre la France quand je demande d’agir pour que ces massacres cessent, c’est du niveau de Staline avec ses opposants politiques” , martèle le député tout en poursuivant “le déni postcolonial français est très inquiétant et ces vieilles méthodes de la Françafrique nous mènent dans le mur vis à vis de l’Afrique et l’Europe avec, c’est très grave. Puisque pour des raisons historiques et géographiques, depuis le Brexit, la France est la première porte d’entrée de l’Union européenne sur le continent africain. Se soucier de ce comportement français en Afrique, c’est une question éminemment européenne aujourd’hui”, estime Sébastien Nadot.
Même questionnement du côté allemand. Sébastien Nadot n’est en effet pas le seul député à s’intéresser de près au contexte sécuritaire déliquescent au Cameroun.
Le député allemand Christoph Hoffmann du parti libéral FDP a lui aussi récemment mis en exergue la situation qui prévaut au Cameroun en posant la question à Heiko Maas, le ministre allemand des Affaires étrangères. “Prenons le Cameroun : le président a manipulé les élections, incendié 300 villages, laissant brûler des enfants de quatre ans, des centaines de milliers de personnes ont dû prendre la fuite. A 88 ans, le président Biya est au pouvoir depuis 38 ans. Qu’en est-il dans ce cas précis du travail sur le passé colonial de l’Allemagne, monsieur Maas ? Ni pour la chancelière ni pour vous, cela ne semble être un sujet important. Est-ce ainsi que nous comptons gagner les cœurs des jeunes en Afrique ?”, interroge Mr Hoffmann.
Rebecca Tinsley, fondatrice de Network for Africa et auteure du roman “When the Stars Fall to Earth” a rédigé une tribune dans laquelle elle attirait l’attention sur la dégradation des droits de l’homme au Cameroun. Pour avoir travaillé pendant plusieurs années au Rwanda, elle attire l’attention sur les similitudes et les signes avant-coureurs qu’elle a pu observer à l’époque aux pays des mille collines.
“J’ai passé les dix-sept dernières années au Rwanda où j’ai travaillé avec les survivants du génocide et malheureusement je vois des similitudes avec ce qui se passe dans la région anglophone du Cameroun. Dans le cas du Rwanda, le gouvernement français était complice, il a œuvré dans la préparation du génocide, tout en jouant un rôle dans ce même génocide”, alerte Mme Tinsley.
“Au Cameroun, le gouvernement français est également complice en maintenant un régime corrompu au pouvoir, ce même régime qui persécute les populations dans la région anglophone qui représente 20% de la population. J’ai écrit ma tribune parce que je voudrais attirer l’attention sur le rôle de la France qui supporte le président Biya au Cameroun. La France lui apporte son soutien parce qu’elle a des intérêts aussi bien économiques que militaires mais aussi parce que ses intérêts seront mieux protégés si le Cameroun est sécurisé”, estime l’activiste tout en poursuivant sur le rôle que pourrait jouer la France.
“La France est en mesure d’apporter de la pression au niveau diplomatique sur le gouvernement camerounais pour travailler sur la pacification du pays et trouver une nouvelle voie au niveau constitutionnel qui pourrait convenir à tout le monde : aux anglophones et aux francophones. Et si la pression diplomatique ne fonctionne pas, alors la France peut travailler sur un régime de sanctions visant des individus impliqués dans les abus des droits de l’homme”, conclut Rebecca Tinsley.
Lu sur lenet