Comme Eugene Njoh Lea il y a longtemps, Joseph Antoine Bell il y a peu, Samuel Eto’o aujourd’hui rêve de « changement » dans la gestion du football au Cameroun. A la différence de ses prédécesseurs, réussira t-il la ou ses ainés ont échoué ?
Full disclosure : Parce qu’au Cameroun en général et concernant Samuel Eto’o en particulier, toute prise de position n’est analysée que sous le prisme du « farotage » imaginaire ou réel. C’est pourquoi il me semble important de lever toute équivoque sur ma décision de m’impliquer dans ce débat.
J’ai personnellement été en contact avec Samuel Eto’o quatre fois et dans les circonstances suivantes :
La première fois en 1998. Consultant chargé de la communication à la Kadji Sport Academy (KSA), le Président Gilbert Kadji m’avait chargé de réaliser une interview de Samuel Eto’o pour l’une des deux publications (KSA Hebdo et KSA Magazine). J’avais alors faxé le protocole d’Interview à Samuel Eto’o qui évoluait à l’époque à Leganès (prêté par le Real Madrid). Peu de temps après il retourna le fax avec ses réponses. C’est alors que le Président Gilbert Kadji va me mettre une grande pression pour terminer le magazine dans les plus brefs délais. A peine les premières copies étaient sorties sous presse qu’il se pointa à l’imprimerie pour les récupérer et filer tout droit à l’aéroport pour un voyage en Europe. Peu de temps après, Claude le Roi, entraineur et sélectionneur national visitera le centre KSA et Samuel Eto’o sera convoqué à l’Equipe Nationale pour le mondial.
La deuxième fois pendant les vacances en 1999. Le président Gilbert Kadji me charge de mettre en place l’Association des anciens de la Kadji Sport Academy. Pour des raisons pratiques, je suis président par intérim. Quand on se retrouve à l’hôtel Arcade à Bonanjo, Samuel Eto’o est élu président et je lui passe officiellement les rênes de l’Association.
La troisième fois à la réception au Messager en 2005 : A l’invitation de Pius Njawe (paix à son âme), Samuel Eto’o est reçu au Messager. En tant que cadre de l’entreprise, je suis plus ou moins impliqué et j’en profite pour offrir un tableau à Samuel Eto’o contenant sa toute première interview mentionnée ci-dessus. Mais je reste marqué jusqu’à ce jour par la déclaration de Samuel Eto’o ce jour-là : « Je suis heureux d’être parmi vous, d’autant plus que nous avons, chacun de nous, une mission à accomplir, celle d’améliorer le quotidien de tous les Camerounais. Moi en jouant au football et en montrant aux Camerounais qu’on peut réussir sans tricher. Et vous, en écrivant tout en disant aux Camerounais les vérités de ce pays. Tout ceci, pour un même but : améliorer la vie de tous les Camerounais. »
La quatrième et dernière fois à Chicago en 2008 : Alors que son avenir est très incertain avec le FC Barceloneàcause des tensions avec le coach Josep “Pep” Guardiola, Barca est en tournée de pré-saison à Chicago. Repéré par un compatriote à son hôtel, une brève rencontre avec la communautéest rapidement organisée. C’est ainsi que je rencontre Samuel Eto’o et on a échangé très brièvement sur le fonctionnement de l’association des anciens de KSA que je lui avais transféré.
Ayant reçu la bénédiction de ses frères et sœurs de Chicago, Samuel Eto’o va « fermer la bouche » a Pep Guardiola en brillant de mille feux face au club Mexicain Chivas de Guadalajara à Soldier Field. Avec deux superbes buts, il a relancé ainsi sa carrière ave Barca malgré la pression du jeune Lionel Messi qui voulait le détrôner au plus vite !
L’hypothétique cinquième… : Sous la pression d’une organisation sportive mexicaine de Guadalajara qui tenait à avoir un match de gala avec les Camerounais de Chicago et ayant comme guest star Samuel Eto’o, j’avais pris contact avec le coach Joseph « Diallo » Siewe (paix à son âme) qui, depuis la KSA était mon contact auprès de Samuel Eto’o. Malheureusement ce dernier va tomber malade et finir par décéder en 2017.
Last but no the least, il est également important de signaler que j’ai également travaillé sur quelques projets en rapport et/ou avec le Directeur de campagne de Samuel Eto’o, Jean Bruno Tagne. Le tout dernier portant sur une émission de Naja TV commémorant les 10 ans de la disparition de Pius Njawe…qui pour des raisons techniques n’a jamais été diffusée.
Au cœur du débat !
Maintenant que vous savez tout, revenons à la question de l’élection à la Fecafoot et la candidature de Samuel Eto’o qui déchaine toutes les passions. J’ai regardé quelques débats à la TV et parmi la kyrielle de reproche qu’on fait à Samuel Eto’o il y a :
1- Son soutien d’il ya 4 ans au vainqueur au poste du Président de la Fecafoot.
2- Son incapacité à diriger ses entreprises
3- Son orgueil et son conflit avec le Capitaine Song Bahanack pour le Brassard
4 -Ses échecs en tant que Capitaine des Lions indomptables
5 -Son choix politique et son silence sur la guerre au NOSO
I-Soutient à Mbombo Njoya
Il est reprochéà Samuel Eto’o d’avoir soutenu la candidature de Seydou Mbombo Njoya et d’avoir de ce fait trahi Joseph Antoine Bell, footballeur et ancienne gloire des Lions Indomptables. Il est certain que si Samuel Eto’o avait soutenu Joseph Antoine Bell, ses détracteurs auraient argumenté que c’est du tribalisme. Dans un pays où des anachronismes du genre « autochtone » et « allogène » sont inscrits dans la constitution, où le travail d’un journaliste se voit estampillé du qualificatif de « proximité sociologique » où encore que l’idée de la construction d’une Nation soit abandonnée au profit du « fédéralisme communautaire», le choix de Samuel Eto’o de ce point vu, était, au-delà de toutes les autres considérations, salutaire pour la Nation camerounaise.
II-Incapacité à diriger ses entreprises
On a entendu des gens dirent que Samuel Eto’o était inculte. Qu’il n’a pas pu diriger ses entreprises et de ce fait ne sera pas capable de diriger la Fecafoot. A priori ceci semble avoir un peu de logique. Mais, seulement à ma connaissance, Samuel Eto’o n’a jamais prétendu être un expert en management des entreprises ! Et ce malgré son MBA en management obtenu à l’École de Commerce de Lyon (ECLyon). Il a toujours clamé sa passion pour le football. Est-il inculte ? La photo avec laquelle j’avais illustré l’interview de Samuel Eto’o dans KSA magazine le montrait en salle de classe à KSA. Cette photo renvoyait l’imaged’un enfant qui n’était pas très à l’aise avec le stylo et le papier, mais conscient que c’était un passage obligé pour sa réussite en tant que footballeur ; sa passion. Aujourd’hui, il est un parfait polyglotte. Alors que ceux qui cherchent les incultes se référent à la fameuse lettre ouverte de Célestin Monga intitulée« La démocratie truquée » …
III – Son orgueil et son conflit avec Song
J’ai rencontré le Capitaine Song à deux reprises lors des stages bloqués des Lions Indomptables : d’abord au Centre Sportif de la BEAC à Nkole-Ekie et au Centre KSA à Bekoko. Au premier contact avec «Magnan», on est immédiatement frappé par son sens de l’humour et sa simplicité. Et c’est avec raison que tous les fans des Lions Indomptables ont fait de Rigo le capitaine le plus emblématique de ces dernières décennies.
Pour tous les habitués des vestiaires, le premier caractère d’un grand sportif c’est son esprit compétitif. En club, il faut prouver qu’on est le meilleur quitte à renvoyer son « meilleur pote » au banc de touche. C’est cet esprit de compétition qui a permis à Samuel Eto’o d’être l’un des meilleurs joueurs de ce siècle. Et quand on a grandi à la fois dans les quartiers comme Mvog Ada à Yaoundé et Nkongmondo à Douala, l’esprit de compétition peut très facilement se transformer et/ou peut être perçu comme de l’orgueil.
IV-Les échecs de son capitanat
«Programmé pour échouer » a été perçu par certains comme un véritable procès de Samuel Eto’o au sein des Lions Indomptables. Le fait qu’il a choisi l’auteur de cette publication comme son directeur de campagne prouve au moins deux choses :
1-Il reconnait que le journaliste a fait son travail de bonne foi sans intention de nuire.
2-Il démontre aussi que l’esprit sportif ne laisse pas de place à la rancune. Que ce soit un match très disputé qu’on perd, ou un désaccord sur les écrits d’un journaliste, il faut toujours garder son esprit de fair-play.
Il faut cependant dire que « Magnan » a eu le temps de percevoir l’impatience son coéquipierà accéder au « trône ». Car comme le dit l’adage, il faut savoir quitter les choses avant…
V- Son choix politique…
Les prises de position tout comme le silence de Samuel Eto’o sur les sujets brulants de la vie sociopolitique du Cameroun sont certes préoccupants. Mais pour qui observe bien la scène politique camerounaise aujourd’hui, le sort politique de Samuel Eto’o avait été scellé depuis qu’il avait décidé de conquérir le capitanat des Lions Indomptable qui, dans son aspect administratif est aussi un poste politique. Une fois ce choix fait, on assume et on gère. Dans le contexte camerounais, procéder autrement serait suicidaire.
La candidature de Samuel Eto’o au-delà des passions positives et négatives, permet aux camerounais de mieux comprendre les contradictions de ce pays. Voici l’un des ambassadeurs le plus populaire du Cameroun à travers le monde. Mais cela n’empêche qu’il soit humilié dans une affaire de terrain à Kribi. Les dirigeants du pays le courtisent pour diverses faveurs, mais sont incapables de faire reconnaitre son école de football la Fundersport.
Avec ses multiples déboires au Cameroun, Samuel Eto’o aurait pu, comme des millions de ses compatriotes, choisir définitivement d’aller voir ailleurs. Il n’y a aucun doute que si Samuel Eto’o le voulait, il aurait pu décrocher un poste à l’international comme son promotionnaire Etame Mayer qui vient d’être nommé expert technique de la FIFA pour le développement des talents. De ce fait, toute personne sensée se demanderait ce que Samuel Eto’o cherche dans ce « foutoir » ?
En raisonnant par l’absurde (attitude très recommandée lorsqu’on veut comprendre les choses du Cameroun), on pourrait penser qu’Eto’o suit la logique de cette déclaration suite à sa rencontre avec Pius Njawe : « Sachez que les emprisonnements, les menaces et bien d’autres choses, font partie de la vie. Tant qu’on ne vous tue pas, considérez que vous êtes libres d’exercer votre métier. Moi, je ne fais pas de la politique et, je pense que le grand frère Pius Njawe non plus n’a pas d’ambitions politiques. Je ne le souhaiterais d’ailleurs pas.»
Pris dans l’étau des intrigues de la boite à crabes qu’est la Fecafoot, Eto’o pourrait-il briser cet autre signe indien comme il en a brisé tout au long de sa carrière ? On ne peut que lui souhaiter bonne chance ! Et si jamais il subissait le sort de nombreux autres génies que notre mère patrie a sacrifié, il pourra toujours passer un coup de fil à Richard Bona pour qu’ils aillent déposer une gerbe de fleur sur la tombe de Manu Dibango en France.
L’esprit de Manu le consolera en expliquant comment on l’avait piégé avec la présidence de la Cameroun Music Corporation (CMC) pour que le Ministre Ferdinand Oyono finisse par l’insulter de “vieux escogriffe”. Ninja ne pouvant plus fouler le sol camerounais, ils pourront toujours se contenter de survoler le Char-Des-Dieux ou les cendres de Francis Bebey ont été répandues. Peut-être de retour de ce pèlerinage, Ninja trouvera l’inspiration pour composer une de ces mélodies dont lui seul a le secret (genre hommage à Manu) pour nous consoler de nos malheurs !
Felix Pene